Je révélais par la même la fusion des sentiments envers ma belle, belle de jour si on se réfère au film, mais belle tout court si on se tient aux éléments fournis par Lise sur Saé.

Me voilà transformé en papillon face à la lumière, attiré par le mirage Saé, étourdi par le coté enjôleur de mon interlocutrice qui révèle au fil des échanges une maîtrise des mots qui n’a sans doute d’égale que le maîtrise des hommes qui se glissent en elle, qui croient la posséder.
Oui sous son côté avenante, la belle révèle parfois un petit côté manichéen. N’hésitant pas à me taquiner par là où cela fait mal, comme me révéler qu’elle n’est pas en ce moment proche de moi comme je pouvais m’y attendre mais quelque part en Ardèche dans son refuge estival pour de menus travaux.
Je suis comme avalé par nos échanges de messages. Nul emploi d’une messagerie instantanée, juste des mails successifs en rafales, ou sur plusieurs discussions simultanées, soient badines, soient plus intimes…
Je me noie des heures durant dans l’écriture et la lecture, je dirais que je me surpasse comme rarement j’ai pu le faire. Ecrire, comme au bon vieux temps, du courrier mais là le facteur est immédiat ou presque. Et surtout passe et repasse autant que le désir le peut.
Et puis cet étrange relation, basée sur un vouvoiement continue, on aurait pu penser se tutoyer aussitôt, une fois les présentations faites, mais non, rien de cela, nous continuons allègrement sur notre lancée, sans jamais « tutoyer » la banalité des chats actuels. Une sorte de romantisme très XIXème au XXIème siècle, seul l’espace temps semble fonctionner en accéléré…
Je suis surpris de l’assiduité de mon interlocutrice… Comme si le temps passé ne comptait pas. Il est vrai que nous flirtons avec les journées les plus chaudes de l’année, que de bouger parfois est un supplice tellement le soleil sait vous bruler, même à l’ombre.
Et puis, cette envie, ce désir de la connaître plus intimement. Qui est-elle ? Qui est Lisa, qui est Saé ?
« Saé n'est pas une image, elle existe, elle remplit beaucoup de mon temps. Elle est totalement imbriquée dans Lisa. Si vous pensez qu'elle est une image, nous allons nous rater, l'un et l'autre. Je vous l'ai dit, j'ai connu cela, les hommes qui ont tenté de voir en Saé un personnage imaginaire, et qui n'ont pas supporté la réalité.
Je suis grande, aussi, ce n'est pas toujours facile pour un homme.
Les talons hauts et la jupe en cuir, cliché ? C’est ainsi que nous sommes les plus attirantes ! Vous m'avez dit être autant attiré par Lisa que par Saé. Lisa est une rebelle romantique un peu sauvage, il vous faudra l'apprivoiser. De prime abord, vous serez sans doute plus à votre aise avec Saé, mais je vous encourage à persévérer avec Lisa. »

Les relances sont souvent ponctuées de remarques sur ses relations avec les hommes, les clients préfères se montrer en public avec de très grandes femmes, les regards sont ainsi tournés vers eux, alors que leurs épouses sont souvent bien plus discrètes…
Elle assume tout ou presque, enfin, du moins ici… L’épreuve de la rencontre serait sans doute tout autre. Serait-elle Lisa, ou cette femme qui joue de son image pour mieux me croquer ?
Me revoilà devenu comme un ado, mais avec des jeux d’adultes… Passionné par les échanges, faisant fi du versant sulfureux que comporte sa profession, ses limites légales parfois, enfin selon les pays, puisque se revendiquant suisse et étant domiciliée à Genève elle peut exercer en toute légalité en dehors du territoire héxagonal. Toute l’hypocrisie du monde se tient ici en quelques encablures… Une jolie fille intéressée et avide est acceptable socialement parlant, une accompagnatrice rémunérée qui joue de ses atouts n’est que vénale et hors la loi… Un sujet philosophique à n’en pas douter. Etrangement, dans nos échanges, jamais cet aspect ne pointe son nez. Pour moi, Saé est une libertine qui se débrouille plutôt bien, et finalement je la prends comme telle, et idéalise sans doute un peu son rôle, négligeant le rôle et le facteur argent dans la relation. Elle m’avoue que souvent, le départ de chez son client, se fait sans un regard particulier. Il a consommé, point final. Dans un sens cela lui permet de cesser assez vite sa « représentation » et de revenir à la réalité. Enfin, surtout à la réalité de sa condition humaine.
J’aimerais à cet instant savoir si toutes les Escorts pensent et jouent ainsi de leur personne ? Sachant se dédoubler autrement que par leur prénom et pseudo.
Suis-je face à une personnalité hors du commun ou bien est-ce la normalité de ces femmes ?
Le pouvoir de séduction peut se nicher n’importe où, pour moi elle n’est pas une « pute » mais bien une séductrice…
Il y a un vieux mot de langue française qui colle parfaitement à l’esprit et à l’idée que je me fais d’elle à cet instant : la courtisane, dans son sens premier.

LISAE, la courtisane

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